Journée d'études doctorales : L'engagement au fil du temps - Compte-rendu

Compte rendu de la Journée d’Études des doctorant.es du CREG des 14 et 15 mars 2024, organisée par Nathalie Fend de Sousa Lobo, Fiona O’Donnell et Alexia Rosso Compte rendu rédigé par Charlotte Guillemin, étudiante en L3 LLCER Allemand, dans le cadre de l’UE « Initiation aux métiers de la recherche ». 


Les 14 et 15 mars 2024 s’est déroulée la journée d'études consacrée au thème de « L’engagement au fil du temps : héritages et transmissions dans les pays de langue allemande du XIXe au XXIe siècle ». Organisés en trois grandes parties, ces deux jours ont offert un aperçu riche et varié sur les diverses incarnations et interprétations de l’engagement à travers les époques. 
Cette manifestation scientifique a débuté le jeudi 14 à 13 h 30 avec une introduction de Katharina Koselleck, directrice du musée Käthe Kollwitz à Cologne, présentant l’engagement de Käthe Kollwitz contre la guerre et l’injustice sociale et mettant en avant son travail artistique et ses premiers soutiens. Mme Koselleck a notamment souligné l’impact des lithographies de Käthe Kollwitz sur les conditions de vie des ouvriers et son engagement pacifiste après la Première Guerre mondiale. K. Koselleck a mis en exergue la réception posthume de l’œuvre de K. Kollwitz et le rôle du musée Käthe Kollwitz dans la préservation de son héritage.  
À la suite de cette introduction soulignant l’importance de l’engagement artistique et politique dans la société, les présentations des doctorant.es et jeunes docteures ont offert un éclairage contemporain sur les différentes formes de l’engagement, et la façon dont il est transmis, et/ou hérité. La première partie, intitulée « Incarnations et instrumentalisation de l’engagement », a débuté avec Thomas Giraud (doctorant au CREG), qui a proposé une réflexion sur le paradoxe de l’engagement de Beethoven, en explorant le lien entre sa surdité et son implication dans les idéaux de la Révolution française. Th. Giraud a examiné comment la représentation de Beethoven en tant que symbole de liberté est confrontée à son handicap auditif, mettant ainsi en évidence les contradictions entre l’image publique de l’artiste engagé et sa vie personnelle. Pauline Corre-Gloanec (docteure de Sorbonne Université) a ensuite partagé ses réflexions sur le parcours de Rudi Dutschke, explorant son rôle central dans la révolte étudiante ouest-allemande. Sa présentation a mis en lumière l’engagement théorique de R. Dutschke au sein du SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund, organisation étudiante socialiste), soulignant sa contribution à la Nouvelle Gauche en République fédérale d’Allemagne. Elle a également examiné les implications de la surexposition médiatique de R. Dutschke pendant le mouvement étudiant sur l’historiographie du mouvement. Puis, Selma Repp (doctorante au CREG) a examiné l’instrumentalisation de l’engagement politique de la résistance allemande au nazisme par le mouvement contestataire Querdenken (litt. « penser différemment, de manière non-conventionnelle »), en se concentrant sur les « Coronarebellen » (litt. « les rebelles du Coronavirus », groupuscule opposé aux mesuressanitaires mises en place durant la crise du Covid). Selma Repp a souligné comment ce groupe a utilisé la mémoire collective de la résistance, symbolisée par les actions de Hans et Sophie Scholl, pour propager sa propagande lors de la crise sanitaire de la Covid-19. Sa présentation a mis en lumière les moyens de communication utilisés par les Coronarebellen et leur impact sur la distorsion de l’histoire et de la mémoire collective. La journée s’est close avec une conférence de David Weber (maître de conférences en Études germaniques à l’Université d’Aix-Marseille), laquelle explorait comment le film documentaire Race d’Ep ! de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem, sorti en 1979, a ravivé l’histoire du premier mouvement d’émancipation homosexuel allemand, s'étendant de 1900 à la destruction par les nazis de l'Institut de sexologie de Berlin en 1933. D. Weber a examiné les implications de cette redécouverte sur la mémoire collective et la transmission de l’engagement homosexuel entre la France et l’Allemagne, mettant en lumière les distorsions et les ruptures dans cette transmission à travers les décennies. 
Le vendredi 15 mars a débuté avec la deuxième partie, « Conceptions et représentations littéraires de l’engagement », où d’autres doctorant.es ont présenté leurs recherches. Julian Klinner (doctorant à l’université de Tübingen) a proposé une communication sur l’essai Erfahrungshunger de Michael Rutschky, qui explore la transformation du mouvement de protestation allemand après 1968. Il a mis en avant le passage des idéaux révolutionnaires à une vision individualiste de la société, tout en examinant le rôle de M. Rutschky dans la création d’une « ethnographie littéraire » de l’époque. Cette présentation a été suivie par celle de Yousra Chairi (doctorante à l’université de Limoges EHIC), laquelle a exploré les dilemmes de l’engagement à travers les œuvres de Bernhard Schlink, notamment Le liseur (1995), Olga (2019) et La petite-fille (2023). Yousra Chairi a souligné l’importance de ne pas limiter l’engagement d’un écrivain à ses opinions politiques, mais de l’élargir à ses choix esthétiques et littéraires. En mettant en avant la sensibilité de B. Schlink aux questions politiques et éthiques, elle a examiné comment ses œuvres contribuent à la construction de la mémoire collective et incitent à une réflexion critique sur des questions cruciales. Vanessa Schmitz (doctorante à l’université Charles de Prague) a ensuite partagé ses réflexions sur les forces d’action de l’engagement d’un point de vue existentiel, en se penchant sur un dialogue fictif entre Hannah Arendt, Eva von Redecker et Eugen Fink. Son exposé visait à examiner la responsabilité qui découle de la liberté vulnérable de l’homme et à rechercher un engagement qui réponde à la « mondanité » de l’homme, selon les termes de Fink. En s’appuyant sur Hermann Hesse et Friedrich Hölderlin, elle a attiré l’attention sur la tension entre les exigences idéales et la réalité concrète dans laquelle les mouvements théoriques et pratiques convergent. Son objectif était d’inviter à une réflexion critique sur les possibilités et les nécessités de l’engagement humain.  Enfin, la troisième partie, intitulée « Traces et mémoires de l’engagement », a conclu cette journée d’études. Carina Ehmsperger (doctorante à l’université de Ratisbonne) a évoqué les journaux (anglais, français et bilingues) de camps de prisonniers de la Première Guerre mondiale comme témoins de l’engagement des prisonniers de guerre et des internés civils en Allemagne. Ces journaux, souvent négligés, offrent un aperçu des activités culturelles, artistiques, politiques et caritatives organisées par les détenus pour affirmer leur loyauté envers leur patrie. En examinant ces journaux, la communication a valorisé l’importance de cet engagement et les raisons pour lesquelles il reste pertinent aujourd’hui, tout en explorant les défis de la mémoire de ces prisonniers souvent oubliés. Puis, Sophie Paré (docteure de l’Université Catholique de l’Ouest, Angers) a évoqué les engagements religieux, politiques et sociétaux des « Kriegsenkel », les « petits-enfants de la guerre », dont l’histoire familiale fut marquée par le national-socialisme. À travers une enquête qualitative menée auprès de vingt-quatre répondants allemands, elle dévoile les retombées du national-socialisme dans les biographies des enquêtés. Elle a notamment examiné les engagements spirituels au sein de la communauté religieuse protestante « Tübinger Offensive Stadtmission », fondée en 1987, qui lutte contre l’antisémitisme actuel et promeut le pardon et la réconciliation. Son étude révèle comment la mémoire familiale, l’histoire et les engagements des Kriegsenkel s’articulent dans la société contemporaine outre-Rhin. Nathalie Fend de Sousa Lobo (doctorante au CREG) a ensuite examiné les mémoires et transmissions de l’engagement à travers les émissions radios et les écrits littéraires de Gregor von Rezzori. Elle a exploré comment l’expérience de Rezzori, notamment son vécu lors de l’ « Anschluss » en 1938 à Vienne, a façonné son engagement dans la lutte contre le totalitarisme. Le travail de Nathalie Fend de Sousa Lobo fait ressortir le rôle du média radio comme une arme de lutte contre l'idéologie nazie, ainsi que l’importance des écrits littéraires dans la transmission de l’engagement. Enfin, Fiona O’Donnell (doctorante au CREG) a lu un texte du professeur émérite Lucien Calvié (CREG), portant sur Georg Herwegh. Cette lecture a été suivie d'une synthèse par le comité scientifique, représenté par Andrea Chartier-Bunzel (CREG, UPV) et Hilda Inderwildi (CREG, UT2J). 
Ces deux demi-journées ont été marquées par des présentations et des échanges fructueux, offrant une réflexion approfondie sur l’évolution de l’engagement à travers les siècles et son impact sur les sociétés contemporaines.